Sanctions de l’ONU contre des gangs en Haïti: «Une déception», juge le politologue Joseph Harold Pierre
Le politologue Joseph Harold Pierre qualifie de déception la résolution adoptée par le conseil de Sécurité de l’ONU sanctionnant des gangs en Haïti et ceux qui les soutiennent, faisant fi des appels du gouvernement haïtien. Intervenant ce samedi 22 octobre 2022, à Panel Magik, le Professeur estime que cette résolution traduit le manque de volonté de la communauté internationale d’agir véritablement face à la crise haïtienne.
Cette résolution réprime les ventes d’armes illicites et les groupes armés criminels violents en Haïti en imposant une interdiction de voyager, un embargo sur les armes et un gel des avoirs des chefs de gangs et à toute personne se livrant à des actions qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité en Haïti, un pays embourbé par des crises à répétition.
« Ce qui m’intéresse, ce sont plutôt les mesures prises pour résoudre le problème de l’insécurité », lâche d’entrée de jeu Joseph Harold Pierre, estimant que la résolution prise hier par le conseil de Sécurité des Nations-Unies ne peut en aucun cas aider Haïti à sortir du bourbier dans lequel il patauge.
Dans la résolution adoptée par le conseil de sécurité de l’ONU, la première sanction concerne l’interdiction de voyager pour les gangs et ceux qui les soutiennent. Cette mesure ne s’applique pas lorsque ce voyage est justifié pour des raisons de besoin humanitaire, y compris d’obligation religieuse ; lorsque le Comité détermine au cas par cas qu’une exemption favoriserait les objectifs de paix et de stabilité en Haïti.
« Si c’est comme ça, ce n’est pas fonctionnel. Comment pouvez-vous me dire que cette mesure peut ne pas s’appliquer à un moment de la durée pour des raisons de besoin humanitaire et obligation religieuse pour des gangs et ceux qui les soutiennent ? », s’interroge Joseph Harold qui pense que « cela n’a aucun sens ».
La deuxième mesure de la résolution concerne le gel des avoirs. Cette mesure aussi est pour une période initiale d’un an. Toutefois, cette mesure ne s’applique pas aux fonds, autres actifs financiers ou ressources économiques nécessaires pour couvrir les dépenses de base, y compris le paiement de denrées alimentaires, de loyers ou de prêts hypothécaires, de médicaments et de traitements médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de frais de services publics, etc…
« Quel est le statut des gens concernés par les sanctions? Sont-ils des gens qui ont commis des infractions ou des terroristes? », se demande le spécialiste de l’Amérique Latine. « Je trouve que cette mesure est excessivement légère par rapport au problème que nous avons », ajoute-il.
La troisième mesure inscrite dans la résolution adoptée concerne un embargo ciblé sur les armes. « Pour que les USA puissent résoudre le problème du trafic illicite d’armes à feu, ils ne devraient pas penser à Haïti. C’est un problème régional », détaille-t-il, soutenant que les Bahamas, la République Dominicaine, Haïti s’approvisionnent illégalement d’armes à feu aux USA. « Les gangs pourront faire du trafic dans des autres pays qui s’approvisionnent en armes illégalement en Haïti », ajoute-t-il.
Le professeur Joseph Harold Pierre croit mordicus que le problème qui sévit dans le pays reste et demeure l’épineuse question de l’insécurité. « La PNH ne peut pas résoudre le problème. Elle est en manque de capacité technique ; elle est numériquement faible », déplore M. Pierre, soulignant que l’institution policière ne compte que 110 policiers pour 100 000 Haïtiens.
A ces préoccupations, selon le politologue, s’ajoutent les conditions de travail misérables des agents de la PNH. « Ils ne reçoivent pas leur dû normalement. Ils ne sont pas motivés. Ils savent comme la population que les patrons des gangs sont les politiciens », analyse Pierre qui croit qu’une force militaire étrangère est la véritable panacée face aux maux haïtiens.
« La communauté internationale est capable de nous aider mais ne veut pas. Elle a la capacité et les moyens financiers », souligne-t-il.
Joseph Harold Pierre rappelle que des missions onusiennes ont eu des réussites dans certains pays du continent africain comme le Liberia, Côte-d’Ivoire et Timor Oriental. Toutefois, le spécialiste penche plutôt pour une mission réalisée non sous le label de l’ONU. « Il faut que ce soit une mission totale armée bilatérale, trilatérale », dit-il.
Cette résolution adoptée hier vendredi n’a pas comblé les attentes. Haïti a, certes, salué l’adoption de cette résolution mais insiste pour une force militaire étrangère pour mater l’insécurité en Haïti.
RPBS